jeudi 16 juin 2016

"Arrête de me parler sur ce ton - Comment réagir" / Dr. P. Huerre, L. Delpierre

  


Ce livre au titre très évocateur pour tous les parents d'ados se présente comme un petit poche très simple d'accès et qui se lit rapidement. On y trouve rappelés en quelques chapitres clairs et succints les principaux comportements problématiques et sujets de tensions qui opposent quotidiennement les ados et leurs parents. On reste ici dans le champ du 'normal' et pas dans celui des conduites vraiment pathologiques de jeunes en grande souffrance. 

Un parallèle constant est fait entre les comportements de l'adolescent et celui du petit enfant qu'il fut, notamment dans la période dite "d'opposition" vers 2/3 ans. Il est ainsi rappelé aux parents une évidence : l'éducation est une affaire au long court, et les limites doivent être mises à l'enfant le plus tôt possible sous peine que l'opposition "normale" de l'adolescence ne dérive sévèrement. 

La société ne fournit plus de "modèle parental" unique et rigide comme dans le temps. C'est tant mieux, mais du coup chaque famille doit construire ses propres normes, en fonction de l'histoire éducative de chacun des parents, du milieu social, et de la masse d'informations souvent contradictoires que nous renvoient les médias, les réseaux sociaux, etc. L'enfant puis l'ado cherchera forcément à profiter de cette brèche, de la culpabilité des parents qui veulent être aimés avant tout et ne pas passer pour des "vieux cons".

Pourtant, l'enfant a besoin de règles du jeu bien claires pour se sentir en sécurité. Il fait son "travail" d'ado en questionnant et testant le cadre, mais ne cherche jamais en réalité à gagner les bras de fer qui s'engagent, et se sent coupable lorsqu'il va trop loin parce que ses parents n'ont pu tenir le cadre. 

Il est rappelé aussi combien nous parents sommes des modèles. Nos propres débordements émotionnels, nos colères, nos moments d'abattement ou d'agressivité (tant qu'ils restent ponctuels) montrent à nos ados que nous sommes comme eux, humains, imparfaits. Qu'aller bien ce n'est pas non plus être tout le temps heureux et en super forme. Notre façon de pouvoir en parler, de nous réconcilier après les disputes, de relativiser sans dénier, de nous excuser de nos erreurs, de faire face comme le roseau qui plie mais ne rompt pas, et de trouver des ressources pour rebondir sont autant de messages importants. 

Les sujets de disputes classiques (rangement, hygiène, école...) sont décrits comme des incontournables, une sorte de "petit théâtre" où chacun connait son rôle, ce qui est bien rassurant. La question qui se joue est celle de l'autonomisation progressive, qui est aussi complexe pour le jeune que pour les parents, chacun pris dans le paradoxe de vouloir cette autonomie mais de la redouter en même temps. Les auteurs parlent de la difficulté des parents actuels qui doivent trouver le juste milieu entre les règles rigides de l'éducation d'antan et la mode récente du "tout expliquer sans imposer", qui met l'enfant à la même hauteur que ses parents sans lui fournir un cadre rassurant. Ce juste milieu - surtout avec des ados - est dans la capacité à expliquer nos peur, nos doutes, nos points de vue et à poser ensuite une consigne, une limite claire. "Si je te demande ça c'est parce que je pense/ressens que..." et non "parce que tu ... es trop/ne sais pas...". Tu as le droit de ne pas être d'accord, mais c'est comme ça.

Le livre revient aussi sur le besoin naturel de l'ado de se fondre dans sa communauté et de se différencier des parents par ses vêtements, son langage, ses centres d'intérêt ; le jeune a besoin de parents avec qui avoir de vraies conversations de fond au-delà des banalités de la routine quotidienne, mais n'a aucune envie de parents "copains" faisant preuve d'un "jeunisme" pathétique. Il est aussi évoqué la tendance des ados, comme des petits enfants, à cliver le couple, à en tester les failles en cherchant à faire alliance avec l'un des parents contre l'autre.

Les ados se questionnent sur le sens du monde, expriment des idées qui peuvent nous sembler un peu naïves ou manichéennes, lancent parfois des attaques sur nos opinions, nos choix qu'ils questionnent ou contestent. Ces piques peuvent agacer ou même blesser car elles sont souvent faites sans recul par un ado qui ne se rend pas compte de l'impact de ses paroles. De même qu'on ne re-mord pas un petit enfant pour lui expliquer que mordre est interdit, le parent est invité à ne jamais blesser à son tour l'ado en répondant sur un même niveau d'agressivité, ou par la moquerie et l'ironie. Il est tellement facile et tentant de "casser", d'humilier un jeune qui prend des airs supérieurs et méprisants. Par contre il ne faut pas non plus refuser, éviter ou rompre ce dialogue que l'ado tente maladroitement d'instaurer, et toujours lui montrer qu'on accorde de l'importance à ce qu'il pense, à qui il est en tant que personne différente de nous. C'est en "joutant" verbalement avec nous, en terrain familier et sécure, qu'il fait ses armes pour développer sa pensée et sa représentation du monde. En nous blessant, il cherche non pas à nous nuire mais à tester nos réactions, et notre réponse lui servira de modèle. Etre touché mais "survivre" narcissiquement, savoir faire la part des choses entre les mots et l'intention, entre langage et réalité, réagir en posant des limites fortes mais sans blesser en retour, répondre à la haine par de l'amour inconditionnel mais sans tolérer l'agressivité verbale, être un exemple de réaction "mâture".

Au total, ce petit livre n'explique rien de nouveau et il me semble que tout parent soucieux de comprendre et d'accompagner sa progéniture aura déjà ces notions. Mais parfois une petite piqure de rappel ne fait pas de mal et aide à (re)prendre du recul, afin de passer au mieux ce cap difficile mais tellement passionnant de l'adolescence. Ici pas de langage psy compliqué, ni de recettes miracle, on reste dans des idées générales. Par contre le livre n'aidera pas vraiment les familles où les problèmes relationnels se sont enkystés.
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1 commentaire:

  1. Merci pour ce petit livre Eli....je me penche sur la question car je rentre dedans à la vitesse d'un tgv avec ma grande..;si tu as d'autres conseils je suis preneuse..;Bisous . Astrid

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